Arrêt sur collage : Hélène Donadieu

 

La légende affirme que c’est un perroquet qui est à l’origine des premières créations collagistiques d’Hélène Donadieu.

Mais faut-il porter crédit aux légendes, particulièrement de nos jours où plus personne ne prête crédit, si ce n’est en photographie.

Certes, cela ne serait pas la première fois dans le monde de l’art qu’un oiseau signe la destinée d’un artiste.

Les volatiles ont souvent marqué de leurs becs les plus belles pages de la littérature, tel l’albatros de Baudelaire, le corbeau d’Edgar Poe, sans parler de ceux d’Arthur Rimbaud :

Seigneur, quand froide est la prairie,

Quand dans les hameaux abattus,

Les longs angelus se sont tus...

Sur la nature défleurie

Faites s'abattre des grands cieux

Les chers corbeaux délicieux.

Et c’est même dans l’art du collage  que l’une des plus célèbres maximes de Max Ernst est trempée du sceau de leur duvet  :

« Si ce sont les plumes qui font le plumage ce n’est pas la colle qui fait le collage  ».

 

Ainsi donc tout commença en mars 1986 avec un perroquet Ara… oiseau, symbole de la liberté et de l’espace….

Et cela ne peut être un hasard, puisque lorsque l’on consulte à tire d’aile le parcours de cette artiste on constate que dans une autre vie elle travailla au Centre Spatial Guyanais, participant aux lancements de quelques 140 fusées. Ainsi se créée le juste fil d’Ariane – si bien nommé en l’occurrence - qui relie le ara de légende à l’espace et à la liberté de création.

Mais des créateurs, et des surtout des collagistes, il y en a des millions et il ne suffit pas de partir de rien pour revenir de tout.

Au jeu multiple de l’art du collage, Hélène abat ses cartes - et son atout maître sera la khartégraphie : inutile de chercher ce mot dans le dictionnaire des  hommes – ou le wikipédia des internautes - ce mot n’est présent que dans celui de l’imaginaire de l’artiste et permet à juste raison de différencier le faux semblant des semblables non pareils. Car le domaine où s’exerce l’art d’Hélène, est obscurci par des milliers de pratiquants : le monde figuratif – et Dieu sait – s’il s’en souvient - que créer sa propre empreinte dans ce domaine particulièrement utilisé si ce n’est usité qui est l’art du collage figuratif n’est pas chose facile.

Mais l’appel à sa propre technique, ses propres procédés, sous le vocable grec de khartégraphie – et résultant de longues années de recherche et de travail à en perdre son latin -  lui permet, avec le talent et la maîtrise qui fait la différence entre le paraître et l’être, de se différencier à tel point que lorsque l’on aperçoit une de ses œuvres dans une exposition collective relative à l’art du collage il vient à l’esprit non pas un procédé, non pas une technique, mais bien le nom seul de l’artiste : Hélène Donadieu.

C’est cela qui fait l’artiste, seul et unique, à nul autre pareil,  en dehors de toute auto-déclaration personnelle qui ne peut qu’être vaine et qu’aucun substantif – carte de visite, site internet, catalogue, exposition – même nourri de débordement pécunier, ne peut masquer.

Car si tous les artistes sont égos entre eux, peu sont égaux à l’Art.

Encore une fois, il ne suffit pas de paraître pour être.

L’art est une prière et l’artiste donne à Dieu ce qu’il peut.

Hélène Donadieu … ce qu’elle veut.

 

Et cette offrande, en reflet de son art, opère sous le signe de la trinité baudelairienne : luxe, calme, et volupté.

 

Pierre-Jean Varet – ARTCOLLE MAGAZINE N°8 (Avril 2016)